Première page de "La Demeure de l'Ange"

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Chapitre I

 

 

« Ma chère Héloïse, voilà, c’est fait, la petite chapelle de tes souvenirs ne sera pas détruite ! Elle sera rénovée. Rien ne sera démoli. Elle restera encore pour longtemps l’adresse du Bon Dieu. Ô Ma chère Héloïse, c’est trop peu de dire combien je t’aime. J’arrive ma Loïse, j’arrive, tu verras, ce sera beau, ce sera merveilleux. Comme elle sera belle ! Tu verras ! ».

 

C’est par ces mots écrits avec des larmes plein les yeux que Christie acheva de rédiger son courriel. Héloïse, sa tante, celle qui l’avait élevée, était douloureuse depuis quelques mois, elle savait avec son état de santé fragile qu’elle ne vivrait plus encore très longtemps. Son âge avancé posait de plus en plus de soucis au quotidien. Il était donc très important pour Christie de tenir la promesse qu’elle lui avait faite : Elle avait signé tous les papiers. En finir avec tout le côté administratif de cet achat pas comme les autres était une réelle satisfaction. Acquérir une chapelle n’était pas chose ordinaire.

 

Ce petit édifice placé sur le terrain qui jouxtait la propriété de sa tante : « Le Domaine de la Sacelle » était son grand tourment depuis plusieurs années. Héloïse en effet voyait le bâtiment se détériorer petit à petit mais ne savait pas comment agir pour le sauver. Elle voulait le restaurer depuis longtemps mais n’avait jamais trouvé ni le temps ni l’argent de vraiment mener à bien son projet. Elle ne savait d’ailleurs pas si son rêve pourrait se réaliser un jour. Comment faisait-on pour acheter une église ? Voilà bien une question qui la taraudait. Les années avaient passé trop vite, les soucis du quotidien l’avaient emporté sur ce désir. Il y avait toujours eu plus urgent.

 

Et puis un jour où Christie revenait de Paris où elle travaillait, Héloïse avait fini par lui demander son aide :

 

— Tu sais, je suis vieille maintenant, si nous ne faisons rien pour cette chapelle, elle sera détruite ma Christie. Tu sais combien j’y suis attachée. Je t’ai déjà raconté mes souvenirs. Figure-toi que j’ai appris par Hugo qu’il comptait acheter ce terrain bientôt. Autant te dire que la chapelle, c’est le cadet de ses soucis. Elle disparaîtra aussitôt qu’il aura le terrain !

— Mon Dieu ! Tu es sûre de cela ?

— Oh que oui ! Sans compter que sa mère est derrière lui, comme toujours ! Elle est sans doute derrière cette nouvelle idée ! Jusqu’ici il s’en moquait complètement de ce morceau de terre, puis, va savoir pourquoi, tout d’un coup, il veut l’acheter !

— C’est étrange. Mais pour quoi faire ?

— Une ferme pédagogique ! C’est la dernière nouveauté !

— Je vais aller le voir.

— Je te le déconseille ma Christie. Tu sais, il a bien changé le Hugo. Sa mère a encore plus de pouvoir sur lui. Son mariage avec Maëlle n’y a rien changé. Oh ma chérie, je t’en prie : Aide-moi. Je ne veux pas que cette chapelle disparaisse. Entre cet édifice et moi, il y a un secret. Tu ne le connaîtras qu’après ma mort. Je t’ai toujours dit que je ne pouvais pas te le révéler avant. Je te demande juste de me faire confiance. Mon souhait n’a rien d’un caprice. Renseigne-toi auprès du maire, auprès de la paroisse, auprès de qui tu veux, mais je t’en prie, ne laisse pas Hugo en prendre possession. Ce serait une catastrophe pour moi. Je veux mourir en sachant que désormais elle nous appartient. Quel que soit le prix, je suis prête. J’ai mis de l’argent de côté. Ma chérie, aide-moi !

 

Christie se souvenait très bien de cette conversation. Elles étaient toutes les deux attablées dans la cuisine devant une tasse de thé. Alors qu’Héloïse évoquait son désir, elle avait pris les deux mains de Christie entre les siennes, elle la regardait bien dans les yeux, avec ce grand regard bleu profond qui la caractérisait. Sa nièce alors lui avait promis de contacter son amie Laure pour l’aider dans ses démarches. Héloïse ajouta :

 

— Tu sais bien que je ne suis plus là pour très longtemps. J’aimerais mourir en paix. Ça passe par cette chapelle. Je ne veux pas partir avant de l’avoir vue réparée. C’est si important pour moi, pour la commune, pour toi, pour l’avenir. Tu comprends n’est-ce pas ? Toi tu es la seule qui peut me comprendre. Les autres s’en foutent pas mal. Mais pas toi, hein, pas toi ?

— Non, pas moi. Tu le sais bien. Je m’en occupe dès demain.

 

Christie revoyait toute la scène. Une fois l’e-mail envoyé, elle soupira. « Il est temps pour moi de rentrer à la Sacelle. Ma tante a besoin de moi maintenant. Je vais rester près d’elle désormais. Allez go ! ».

 

Le cœur rempli de joie, elle prit alors sa voiture pour rejoindre sa tante. Elle souriait derrière son volant. Tant de souvenirs défilaient en même temps que les paysages qu’elle traversait. « Hugo ? Après tout, on ne peut pas toujours tenir ses promesses. Je n’avais que huit ans ! ».

 

 

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Je suis une chapelle en ruines. À la croisée du ciel et de la terre. On ne me voit même plus dans ce décor ombragé où je suis oubliée. J’avais une vie autrefois, une vie liturgique, une vie d’assemblée, une vie humaine, une vie divine. Maintenant, je ne suis plus que pierres ébranlées, odeur de terre, nostalgie dans la mémoire des vieux. Pire : Lorsque, enfin, les hommes me considèrent, ils ne voient plus que le potentiel pour un appartement à construire.

Je ne suis plus rien aux yeux des êtres qui m’entourent. Plus rien. Pas même un désir, ni même un rêve. Je ne suis qu’une masse informe perdue au milieu des herbes folles. Perdue, je vous dis comme on peut l’être quand on se croit sans âme.

On dit que leurs maisons ont une âme. Pourquoi n’en aurais-je plus ? Est-ce que plus rien n’a de sens dès lors que le temps passe ?

 

Je suis une chapelle abandonnée des hommes. Non pas des anges. Non pas du ciel. Ceux qui cherchent à me détruire ne connaissent rien à mon histoire, ni même à quoi j’ai pu servir un jour.

Je suis un patrimoine oublié. Je n’ai plus aucun sens pour des hommes sans boussole. Le sens, ils ne le cherchent plus. Je suis sans intérêt, sans rendement. Ils m’ont plongée, sans mon accord, dans un anonymat mortel.

 

Je suis une chapelle, habitée par une invisible mouvance. J’ai en moi les ailes des créatures célestes, le cœur des orantes silencieuses, l’esprit des ciboires, la lumière illuminée du crépuscule, la clarté de l’aurore, la chaleur du Soleil, les reflets des vitraux tout irradiés par la lumière. Non, vraiment, je ne les comprends pas, comment ont-ils pu ? Pourquoi ? Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? En quoi les ai-je contristés ? Je ne sais pas.

 

Cependant, j’ai encore quelques amis qui sont prêts à tout pour empêcher ma démolition. Les plus âgés se souviennent, les autres sont curieux. Rien n’est donc perdu. Pas tout à fait. J’espère envers et contre tout. Ma nef, ce qu’il en reste, est chemin d’Espérance. Mes deux bras ouverts sont mon Transept. La chaleur de la tendresse divine demeure en moi.

Je suis dans l’attente. Est-ce que j’ai encore ma place au milieu des hommes ?

 

Christie et sa tante Héloïse ont avec moi de si beaux souvenirs. Ô tristesse, il y a aussi Hugo, celui qui veut à tout prix me détruire. Une chape d’angoisse m’étreint de plus en plus. Je tremble dans le froid de cette journée qui s’en va, une de plus sans connaître mon avenir. La nuit m’environne depuis tant d’années. En vérité, je n’ai plus beaucoup d’amis. Va-t-on me démolir une fois pour toutes ou bien comme le Christ au jour de Pâques, vais-je ressusciter ?.................

 

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